Les "païens" dans les Actes des Apôtres


"Juifs", "Grecs", "hellénistes", "prosélytes", "craignant-Dieu", "païens", "Nations", ... Les mots utilisés dans les Actes des Apôtres pour décrire des catégories de personnes sont nombreux et peuvent prêter à confusion, d'autant que leur emploi varie parfois. Les notes des diverses traductions de la Bible et les introductions n'apportent pas toujours les précisions souhaitables, et sont parfois contradictoires entre elles.
J'ai essayé ci-dessous de récapituler ce que sont ces diverses notions.

 

Principaux termes

Juifs

Sont juifs les membres du peuple juif, circoncis en ce qui concerne les hommes: qu'ils habitent la Palestine ou en d'autres endroits, notamment autour de la Méditerranée. Parmi les Juifs, les Actes distinguent les:

Hellénistes

Parmi les Juifs habitant en Asie Mineure, en Egypte ou ailleurs (la "diaspora"), beaucoup ont perdu l'habitude de parler araméen et parlent grec. C'est dans le milieu de ces "hellénistes", plus ouverts aux influences grecques et romaines, qu'a été établie la traduction grecque de la Bible dite des "Septante". Les hellénistes, ainsi distingués des "hébreux" majoritaires à Jérusalem, sont en général plus ouverts au prosélytisme: ils s'efforcent de montrer aux populations au milieu desquelles ils vivent la supériorité de la religion juive, et de faire des:

Prosélytes

Non-juifs d'origine, les prosélytes s'agrègent au peuple juif en acceptant (pour les hommes) d'être circoncis; ils participent à la vie rituelle au même titre que les Juifs, mais ne sont cependant pas considérés comme des Juifs à part entière. Leurs enfants par contre sont intégrés au peuple.

"Craignant Dieu"

Les "Craignant Dieu" (ou parfois "adorateurs de Dieu") sont des non-juifs qui sympathisent avec le judaïsme, mais sans aller jusqu'à la circoncision. Dans les synagogues de la diaspora, ils constituent parfois une proportion non négligeable des participants.
Plusieurs passages des Actes se comprennent mieux si l'on considère que cette sympathie pour le judaïsme pouvait être plus ou moins grande (du pratiquant régulier au simple sympathisant), et que de toute façon tous les "craignant Dieu" étaient considérés par les Juifs comme des:

Païens

Tous les non-juifs, à l'exception sans doute des prosélytes, sont considérés par les Juifs comme les païens (ou encore "les Nations"). Comme on le verra plus loin à propos de divers passages des Actes, c'est la remise en cause de la distinction entre Juifs et païens qui constitue l'un des changements essentiels décrits dans ce livre.

Grecs

Ce terme est en général employé de façon vague, comme synonyme de païen.

Samaritains

Habitants de la Samarie, qui ne pratiquent plus le véritable judaïsme et ne sont pas de race juive pure. Ils pratiquent toutefois la circoncision. Pour l'annonce de l'évangile décrite par les Actes, ils viendront en premier, et se réjouiront avec les juifs, en Actes 15,3, de la conversion des "païens".

 

Quelques passages des Actes

Il convient d'avoir en tête que l'ordre dans lequel se présente le livre des Actes n'est pas nécessairement chronologique, et que les récits qu'il contient proviennent de sources diverses.

Philippe, Pierre et Jean en Samarie (8,4 à 17 et 25-26)

La première évangélisation décrite par les Actes comme s'adressant clairement à des non-juifs est celle du diacre Philippe en Samarie. Il proclame le Christ, fait des guérisons et baptise, rejoint ensuite par Pierre et Jean.

Philippe et l'Ethiopien (8,26 à 38)

Il n'est pas précisé si l'Ethiopien était un prosélyte ou un simple "craignant Dieu". Philippe le baptise.

Pierre et le centurion Corneille (Chapitre 10, et 11,1 à 18)

Corneille est un "craignant Dieu", peut-être d'origine italienne. Lui et ses proches reçoivent l'Esprit ("Ce fut de la stupeur parmi les croyants circoncis" - ch.10 v.45), et sont baptisés.
Au début du chapitre 11 des reproches sont faits à Pierre à ce sujet: "Tu es entré chez des incirconcis et tu as mangé avec eux" (v.3).

Antioche: les "Grecs" (11,20)

"Certains (..) adressaient aussi aux Grecs la bonne nouvelle de Jésus Seigneur". Le point de vue des diverses traductions de la Bible est ici contradictoire. La Bible de Jérusalem estime qu'il s'agit ici d'incirconcis; la TOB au contraire, de façon me semble-t-il surprenante, indique: "sans doute des hellénistes"; les hellénistes étant des Juifs on ne voit pas comment le texte pourrait les opposer aux "Juifs" du verset précédent.

Antioche de Pisidie: les Juifs d'abord, puis les païens (13,26 à 48)

Paul parle "dans les synagogues des Juifs" (13,5); il s'adresse à "vous les enfants de la race d'Abraham, et vous ici présents qui craignez Dieu". On voit que des "craignant Dieu" sont, comme il est normal, présents dans la synagogue; les Juifs ne semblent pas protester quand Paul s'adresse aussi à eux. A la sortie (v.43) de nombreux Juifs et "prosélytes adorateurs" suivent Paul; ces derniers sont sans doute bien des "craignant Dieu", donc des païens.

Mais pourquoi la situation change-t-elle brusquement dans les versets suivants? "Presque toute la ville s'assembla" (il n'est pas précisé si c'est dans la synagogue), et "à la vue de cette foule, les Juifs furent remplis de jalousie, et ils répliquaient par des blasphèmes aux paroles de Paul".

Un élément à considérer est que, comme indiqué plus haut, la notion de "craignant Dieu" est floue: peut-être, au lieu des sympathisants réguliers habituels, a-t-on vu venir la deuxième fois la foule de toutes les personnes ayant une certaine sympathie pour le judaïsme: soit, d'après les Actes, "presque toute la ville". Noter aussi que le premier discours de Paul, tel qu'il est rapporté, comprend des phrases difficiles à accepter par les Juifs: "justification que vous n'avez pu obtenir par la Loi de Moïse"(v.38).

Quand Paul indique "nous nous tournons vers les païens", il veut dire peut-être: je m'adresserai désormais à eux hors de la synagogue, puisque vous, Juifs, "vous repoussez la parole de Dieu".

A Lystres: Zeus et Hermès! (14,8 à 18)

Paul parle apparemment dans la rue, et s'adresse donc potentiellement aux païens autres que les "craignant Dieu". Un impotent qui l'écoute est ensuite guéri, et "la foule" veut offrir un sacrifice à Paul et Barnabé, les prenant pour des Dieux.

"Concile" de Jérusalem (15,4-28)

La question est: faut-il circoncire les "païens", c'est à dire tous ceux qui ne sont pas encore circoncis. La réponse sera négative, mais accompagnée de prescriptions alimentaires. A propos de ces dernières, la TOB souligne au début du chapitre 11 que les repas étaient "une difficulté brûlante pour une communauté chrétienne dont le culte avait pour centre une eucharistie célébrée, au moins habituellement, dans le cadre d'un repas."

Thessalonique: des "Grecs" (17,1 à 4)

La Bible de Jérusalem estime ici que les Grecs dont il s'agit sont des païens autres que les "craignant Dieu". La 1° lettre aux Thessaloniciens (1,9-10) montre en effet que certains chrétiens de Thessalonique ont "abandonné les idoles".

Paul à Athènes (17,16 à 34)

Cette fois, comme sans doute déjà à Lystres, c'est clair, il s'agit bien de s'adresser directement à des personnes qui n'ont pas de lien avec le judaïsme. "Il s'entretenait (..) sur l'agora, tous les jours, avec les passants" (v.17).

 


http://plestang.free.fr/

Retour à la première page