L'aumône, la prière, le jeûne

Exhortation pour le mercredi des Cendres


Le carême commence, et comme chaque année l'Eglise nous invite à entrer dans une démarche de conversion et à "faire pénitence".
C'est un vieux mot qui a triste mine, et pourtant ce qu'il vise c'est une cure de rajeunissement spirituel, pour nous guérir de ce que la Bible appelle
"l'endurcissement du coeur".

Il s'agit moins de nos imperfections morales que d'une manière de vivre tellement tournés vers nous-mêmes qu'elle nous rend incapables d'aimer, incapables de nous réconcilier. Cette arthrose spirituelle nous momifie intérieurement et fait de nous des morts vivants. Même si nous nous en accommodons, c'est un drame pour nous, pour nos frères et pour Dieu.

 

Que faire? Les bonnes résolutions ? Ca ne sert pas à grand-chose. La conversion, comme la réconciliation, est un don de Dieu. Encore faut-il savoir le désirer et l'accueillir.

Et c'est à cela que sert le carême. Car la Bible a compris depuis longtemps que le mouvement du coeur, fût-il sincère et généreux, n'était rien s'il ne s'accompagnait d'actes qui lui donnent un poids de réalité et en vérifient l'authenticité. Non pour faire plaisir à Dieu qui n'en a vraiment pas besoin, mais pour nous disposer à son action et creuser en nous l'espace pour recevoir.

 

Trois moyens traditionnels: l'aumône, la prière et le jeûne. Il n'ont rien perdu de leur intérêt, mais nous avons à en retrouver le sens. Jésus nous y invite en rappelant que tout cela est à vivre "dans le secret", c'est à dire dans l'authenticité et la droiture d'un coeur sincère.

 

- L'aumône: c'est le don d'argent. Ce don d'argent (sil est significatif, c'est à dire qu'il nous coûte un peu) exprimera notre désir de ne pas nous laisser enfermer dans la fascination des richesses et l'appât du gain. "Nous ne pouvons pas servir deux maîtres...". Il nous rappellera aussi, à nous qui sommes des nantis, que notre superflu ne nous appartient pas, mais qu'il appartient à ceux qui manquent du nécessaire et qui font pénitence tous les jours sans l'avoir voulu.

 

- La prière orientera notre désir vers Dieu. Progressivement, elle modifiera notre regard sur toutes choses. La prière n'est pas un acte de piété c'est une attitude humaine fondamentale qui consiste à dire: merci, pardon, s'il te plaît, en reconnaissant que nous ne sommes pas la source de notre vie et que pour l'essentiel tout nous a été donné. Ici aussi, il s'agit, humblement et modestement, de s'y mettre. Je connais des gens dont la vie a été transformée lorsqu'ils ont décidé de prendre chaque jour "10 minutes" pour Dieu. Si c'est trop, on peut commencer par 5 minutes. A chacun sa manière, mais si la prière ne trouve aucune place dans notre vie, nous sommes des hommes et des femmes perdus......

 

- Le jeûne: c'est une privation volontaire de ce qui nous rassasie: un peu de nourriture peut-être, mais aussi de ces redoutables pièges à désir que sont le tabac, l'alcool, la télévision, l'ordinateur, telle ou telle passion... Tout ce qui met notre vie sous la tyrannie de l'habitude et du besoin. Et nous voilà tellement préoccupés de nous-mêmes qu'il n'y a plus de place dans nos vies pour la Vie qui est disponibilité, gratuité, vraie rencontre des autres.

 

A chacun de voir.... à se décider. En eux-mêmes, ces actes ne seront pas grand-chose, mais ils ouvriront dans notre coeur une brèche dans laquelle le souffle de l'Esprit qui renouvelle toutes choses pourra s'engouffrer.

 

Prenons quelques instant de silence. Le feu qui consumera ces branches desséchées nous dira la force de l'Esprit capable de consumer les puissances de mort qui nous habitent si nous nous exposons à son action. Et les cendres que nous recevrons nous diront de la part du Christ:

"Convertissez-vous et croyez en l'Evangile".

 

(Jean-Pierre Nave, mars 2000)


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