La paroisse, signe efficace du Royaume

Prédication du 1" dimanche de Carême (12 mars 2000)


Temps du Carême.. quarante jours pour habiter avec le Christ ce temps du désert où tout ce qui fait notre vie peut être relu et reconsidéré, afin que se réduise un peu la distance entre ce que nous croyons et ce que nous vivons.
Les lectures du jour nous le redisent avec force: le don de Dieu est total, gratuit, sans condition et sans repentance:
"Les temps sont accomplis" (évangile), tout nous est acquis "une fois pour toutes" (2ème lecture), et dans l'Alliance avec Noé (1ère lecture) c'est déjà l'engagement définitif de Dieu pour les hommes.

Ainsi, s'il y a problème, ce n'est pas du côté de Dieu, c'est de notre côté: nos mains sont trop crispées, nous sommes trop pleins de nous-mêmes, trop craintifs et trop inquiets, nous manquons de foi et d'espérance pour accueillir et recevoir ce qui nous est donné.

A chacun de voir personnellement de mettre à profit ce Carême pour détendre ces crispations qui l'empêchent d'ouvrir les mains pour accueillir le don de Dieu. Mais ensemble nous pourrions nous interroger aujourd'hui sur notre vie paroissiale.

 

En nous rappelant d'abord à quoi sert une Paroisse. A quoi sert cette petite cellule d'Eglise que le Christ nous confie ? Elle a pour mission d'être Signe efficace du Royaume. Et le Royaume c'est une certaine qualité de relation entre les gens: "A ceci on vous reconnaîtra pour mes disciples: que vous vous aimez les uns les autres". L'Eglise est fraternité ou elle n'est pas. On disait des premiers chrétiens: "Voyez comme ils s'aiment!".

C'est en premier lieu sur cette fraternité évangélique que nous avons à nous interroger, sur la qualité de relations que nous entretenons les uns avec les autres. Il ne s'agit pas ici de bons sentiments. L'amour auquel le Christ nous invite n'est pas un sentiment, c'est une relation qualifiée par deux mots: respecter et prendre soin.

 

Nous respecter les uns les autres

Vivre une relation de respect, pour nous aujourd'hui c'est peut-être simplement veiller à ne pas attenter à la réputation de l'autre par la médisance et la calomnie; ou encore par ces petites phrases assassines qui nous amusent, nous soulagent, mais qui enveniment les rapports et dévalorisent ceux dont on parle. Ce "péché de la langue" transforme notre communauté en petit monde mesquin et ridicule miné par des rivalités pitoyables, et surtout il nous disqualifie en tant que témoins d'un monde réconcilié par le Christ. Voilà une belle résolution de Carême: ne parler de mon prochain qu'en termes positifs... ou alors choisir de me taire. Et si en conscience j'ai des choses négatives à dire, les dire d'abord à la personne concernée, et si nécessaire, à ceux qui ont la responsabilité de les entendre.

 

Prendre soin de notre paroisse

* Prendre soin de notre paroisse, c'est d'abord un état d'esprit, une attitude de fond faite d'accueil et d'attention chaleureuse, en particulier envers les plus petits, envers ceux qui arrivent et ne connaissent personne, ceux qui ne s'insèrent pas facilement. Nous sommes alors habités par le désir profond qu'ils puissent trouver leur place, celle qui est la leur, celle où ils pourront partager leur richesse et recevoir ce dont ils ont besoin. C'est aussi, inévitablement leur faire de la place et parfois leur laisser la place. Or souvent nous nous accrochons à notre place, et c'est un drame lorsqu'il faut passer la main...

* Prendre soin de notre paroisse, c'est croire en son avenir. Et croire en l'avenir, c'est comprendre l'évolution des choses et accepter les changements. Non par plaisir de changer, mais parce que là encore c'est la vie. La nostalgie du passé n'a jamais fait vivre personne, elle momifie. Il faudrait nous interdire cette phrase que l'on entend parfois: "On ne va quand même pas faire ça! ça ne s'est jamais fait!". C'est une phrase qui sent le cadavre. Avec ce principe, Jésus ne serait jamais venu sur terre et jamais il ne nous aurait sauvés: pensez donc, ça ne s'était jamais fait !

* Enfin, prendre soin de notre paroisse, c'est pour chacun, dans la fidélité à son appel et à la mesure de ses disponibilités, prendre sa part de responsabilité. Avec la génération qui s'en va, dans les dix années qui viennent, l'Eglise de France va perdre les 2/3 de ses prêtres et la moitié de ses pratiquants. Elle ne restera vivante que là où des baptisés, ensemble, auront la volonté de la faire vivre. Partout ailleurs... A chacun de s'interroger, de se mettre à l'écoute: "Seigneur tu connais ma vie, mes capacités, mes limites, mes disponibilités, que veux-tu que je fasse pour ton Eglise?" Il nous a promis qu'Il ne nous demandera rien au dessus de nos forces et ce qu'Il nous demandera sera pour nous source de bonheur et de croissance.

 

L'équipe liturgique a choisi comme thème pour ce Carême cette parole de Saint Paul: "Au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu".

La réconciliation est l'oeuvre même du salut: une reprise en profondeur de tout ce que nous sommes qui nous ré-accorde avec nous-mêmes, avec notre histoire, avec la vie, avec les autres, avec Dieu...
Elle seule nous apporte cette paix, cette sérénité intérieure qui nous rend libres pour aimer. Elle seule nous permettra de nous aimer les uns les autres comme Dieu nous aime. Elle est don de Dieu. Si nous la demandons, si nous l'accueillons, elle sera source de vie nouvelle pour notre communauté.

 

(Jean-Pierre Nave)

 


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