Vous commencerez par
le respect. Vous ne direz pas : Dieu est ceci et cela, Il existe
ou Il n'existe pas (c'est-à-dire il est comme je l'imagine
ou comme je ne l'imagine pas). Vous ne me ferez pas dire ce qui
vous convient. Vous ne tirerez pas à vous ce qui, de moi,
parvient très lointainement à vos oreilles, pour en
faire justification de vos crimes.
TU NE FERAS PAS D'IMAGE DE MOI.
Vous saurez que
vérité comme justice ne sont pas vôtres et que
rien ne me fait tant horreur que le fanatisme, l'odieuse
confiscation des biens sans prix. Vous n'aurez en
vénération ni l'argent, ni la violence, ni les
pouvoirs, ni vos plaisirs, ni quelque seigneur ou maître, ni
vous-mêmes. Vous serez libres.
TU N'AURAS D'AUTRES DIEUX QUE MOI SEUL.
Vous commencerez par
le respect. Vous quitterez père et mère, afin de
mener votre propre vie, sous mon soleil. Vous ne remplacerez pas
votre père ou votre mère par quelqu'un d'autre, pas
même et surtout pas, sous le prétexte de mieux me
servir. Vous les quitterez, vous irez assez loin pour les
reconnaître tels qu'ils sont, pour les reconnaître
homme et femme, bien semblables à ce que vous êtes,
et pour leur donner gratitude de vous avoir donné la vie.
Car même s'ils ne vous ont rien donné de plus, et
même s'ils ne vous pas voulu et désiré, - ou
s'ils vous ont transmis leur mal et leur misère -, ils vous
ont donné la vie, quelque chose de ce qui les
dépasse et vient de moi est passé par eux, et vous
êtes nés, vous qui, sans eux, ne seriez pas.
TU HONORERAS TON PERE ET TA MERE.
Vous commencerez par
le respect. Vous ne prendrez pas à l'autre ce qui est son
bien, ce qui fait partie de sa propre vie, ce qui le fait vivre,
ce qui le soutient dans son existence. Vous ne lui prendrez pas
son travail, vous ne lui prendrez pas sa maison, vous ne lui
prendrez pas ceux qu'il aime : sa femme, ses enfants, ses
frères, ses amis. Vous ne lui prendrez pas ses certitudes,
son espoir, son désir, l'oeuvre où il met son
esprit, son coeur et ses mains. Vous ne lui arracherez par force
rien de ce qui le tient en vie.
TU NE PRENDRAS PAS LE BIEN D'AUTRUI.
Vous commencerez par
le respect. Vous ne traiterez personne de lâche, vaurien,
voyou, vous ne traiterez personne de bourgeois, de nègre,
de raton, de moricaud, de flic, de bolchevik, - sachant d'ailleurs
que ce qui dans votre bouche est injure peut être pour lui
dignité -. De qui que ce soit vous ne ferez le simple objet
de votre plaisir. Vous ne souillerez pas la parole humaine,
où je suis, vous ne souillerez pas votre parole par le
déni de justice, l'invitation trompeuse, le mépris
insultant, l'entortillement de la vérité, le
chantage ou quoi que ce soit qui induise autrui à l'erreur
et au malheur. Si vous parlez mal de moi, je ne vous en tiendrai
pas rigueur, car vous ne sauriez, de moi, parler bien: je saurai
entendre vos cris, vos imprécations, vos murmures, et
même je saurai comprendre que, ne me connaissant pas, ou
conduits malheureusement à me voir tout autre que je suis,
vous veniez jusqu'à me maudire, ou à vous
désintéresser de moi. Mais je ne vous pardonnerai
jamais, si vous vous obstinez, d'écraser ce qui
témoigne de moi là où vous êtes, le
respect de la vérité, le respect de la vie, et,
signe entre les signes, le respect de celui qui vous est semblable
et face à face, l'autre homme.
TU NE BLASPHEMERAS PAS, TU NE FERAS PAS DE FAUX SERMENT.
Vous ne vivrez pas
seulement pour le travail, ou pour l'argent, ou pour vos jeux, ou
pour accroître votre pouvoir, ou pour vous assurer
l'établissement et le profit des vôtres. Vous
commencerez par réserver dans vos vies la place du grand
repos où vous serez disponibles à ce qui vient,
attentifs à ce qui est sans prix. vous réserverez
soigneusement la place où je suis.
AINSI DEVRAS-TU RESPECTER MON JOUR.
Vous commencerez par le respect. Alors vous sera donné d'entrer dans ce chemin de l'impossible, où vous souffrirez peut-être, et où nul ne vous ravira votre joie. Telle est la porte de mon bonheur.
(Le lieu du combat, Desclée 1976)