On connaît la célèbre phrase "hors de l'Eglise point de salut". En fait les théologiens ont élaboré diverses positions sur la façon dont le salut apporté par Jésus-Christ peut atteindre les non-chrétiens.
Une récapitulation de ces positions est par exemple proposée par le Frère Benoît Billot (1) (je résume):
- le modèle "ecclésiocentrique": il faut être baptisé ou avoir le désir du baptême pour, d'une part vivre dès cette vie dans la liberté des enfants de Dieu, et d'autre part connaître après la mort l'éternel bonheur face au Créateur;
- le modèle "trinitocentrique": les diverses religions sont des préparations au christianisme, et le Christ sauve les hommes même s'ils ne le connaissent pas; ou encore: le Christ est à l'oeuvre dans toutes les religions.
- Le modèle théocentrique: le christianisme, comme les autres religions, tourne autour du centre divin; le Christ est le modèle le plus parfait des relations homme-Dieu, mais il n'est pas l'universel sauveur.
La question que je pose est tout simplement la suivante:
pourquoi souhaite-t-on avoir la
réponse aux questions ci-dessus, à vrai dire peu
clairement formulées. La question est-elle d'ailleurs: "qui
est sauvé?" ou "doit-on chercher à convertir les
non-chrétiens?" ou quoi exactement?
Que recouvre ce besoin de théorie, de modèle?
On dira que cela recouvre la façon dont on a compris le christianisme. Eh bien, essayons une autre approche.
Pour moi, Jésus est un fait; sa résurrection, la puissance de "l'amour selon Jésus" sont aussi des faits. Ces faits signifient d'une part que l'existence continue après la mort, et d'autre part que vivre comme Jésus l'a montré est à la fois la meilleure façon de réussir sa vie sur terre, et de se préparer à ce qui se passe au-delà et que nous ne connaissons pratiquement pas.
Et j'ajoute: c'est tout! Tout le reste, ce sont des commentaires, des hypothèses, des théories basées sur la philosophie d'une époque.
Si donc il y a ce "fait Jésus", comme je l'ai décrit ci-dessus, qu'en est-il des autres religions? La réponse la plus courte est que... nous (=les chrétiens) n'en savons rien, et que cela n'a pas d'importance: "toi, suis-moi!" (Jean 21,22).
Il nous est proposé d'aimer! C'est tout; et c'est beaucoup. Le reste relève du Seigneur.
Qu'est-ce qu'être "sauvé"? C'est découvrir la vie extraordinairement belle que propose l'amour selon Jésus. Et bien sûr nous souhaitons que tous les hommes la connaissent. Mais il est clair que, dès l'époque même où le Christ a vécu, des quantités de femmes et d'hommes sont morts sans avoir eu l'occasion de rencontrer, de comprendre, ce qu'est cette richesse. Le Christ le savait bien!
Jésus nous propose un chemin: ce chemin est une des dimensions de l'histoire de l'humanité, de même que l'histoire d'Israël. Notre souci doit certainement être de comprendre les richesses de toutes les traditions philosophiques et religieuses de l'humanité, et de dialoguer dans l'amour avec tous les hommes: hommes parmi les hommes; mais c'est tout!
Savoir si telle ou telle religion est "un peu vraie", ou non, n'est pas pertinent par rapport à la démarche de foi et d'amour proposée par Jésus. Le type de "vérité" que propose Jésus n'est pas intellectuel, il est humain, il est l'amour. Nous devons simplement dire ce que nous croyons et pourquoi; et aimer.
Il me paraît évident que Dieu veut que tous les hommes entrent dans son amour. Se demander si c'est par l'intermédiaire du christianisme que cela va se faire, à notre époque ou dans les siècles à venir, me paraît ne pas pouvoir être répondu.
"Sur ce dont on ne peut rien dire de valable, il convient de se taire"
(d'après Wittgenstein)
Sur la même question voir le texte plus récent: Les religions et le salut
Sur le "salut" voir Le salut, c'est aimer!, ainsi que http://plestang.free.fr/notes.htm#11 et "Le salut, au premier siècle et aujourd'hui"
Sur les religions orientales voir le bref texte Sagesses et "folie"
(1) "La maison de Tobie", numéro 51 (voir site).