A propos du péché et de l'humilité


On ne trouvera pas ici une réflexion générale sur le péché, qui dépasserait les dimensions de ce texte, mais seulement quelques notes sur ce sujet.

 

La culpabilité

Il est assez extraordinaire de voir combien, dans la plupart des milieux chrétiens, la culpabilité tient une grande place, et est associée au péché.

La culpabilité est pour moi une dimension psychologique individuelle relevant le plus souvent d'un équilibre psychologique insuffisant, et aussi d'une théologie erronée. Comme on le verra plus loin, pour moi la problématique du péché n'a rien à voir avec une culpabilité quelconque!

Dès lors que l'on a une foi suffisante, une confiance en Dieu suffisante, la culpabilité devrait s'évanouir comme neige au soleil: ce n'est pas du tout le problème! Nous sommes ce que nous sommes, et Dieu le sait! La culpabilité est probablement associée à l'idée fausse selon laquelle c'est par notre volonté que nous deviendrons "meilleurs"; et donc nous nous sentons "coupables" de ne pas avoir fait assez "d'efforts".

C'est Dieu qui fait le travail! Il ne s'agit pas de "faire des efforts" ou de "vouloir", au sens d'un effort volontariste intérieur. Il s'agit de se laisser habiter par Dieu. De se reposer entre ses mains!

Mais, et c'est ce qu'on va voir, cela n'enlève pas le péché.

 

Le péché

Je découvre vraiment ce qu'est le péché quand je comprends ce qu'est l'amour selon Jésus. Aimer comme Jésus aimait, se comporter comme Jésus se comportait, voilà qui est clairement hors de ma portée!

Alors, le péché, pour moi, ce n'est pas ce que je fais de "mal", c'et simplement la prise de conscience de la distance entre l'amour infini et moi. Je regarde Jésus, je l'aime, et je lui dis: "Comme je suis loin de toi! Comme j'aimerais aimer comme tu aimes! Comme je me sens sale quand je me vois face à toi!"

C'est un réflexe d'amour, une constatation, la reconnaissance d'une vérité: je n'aime pas comme Jésus aime!

Quand je regarde l'immense amour de Jésus, et que je me regarde ensuite, je me vois bien misérable, manquant beaucoup d'amour.

Le péché, c'est le manque d'amour. Je ne suis pas pour autant découragé; simplement, face au "soleil" qu'est Jésus, je dis: "Viens rayonner en moi!".

C'est comme une réaction que j'ai face à la sainteté de Dieu:
Quand je regarde Jésus, son action, quand je perçois, un tout petit peu, ce qu'est l'amour infini, alors tout simplement je me tourne vers Dieu et je lui dis: "Qu'est-ce que je me ressens sale, moche, petit (moralement) quand je te regarde!" Et je ne dis pas cela avec je ne sais quelle attitude morbide, mais au contraire
dans un grand élan d'amour face au soleil qu'est mon Dieu.

C'est à dire que je dis à Dieu: "Lave-moi! transforme-moi! Viens Esprit Saint, viens en mon coeur!"

C'est cela, et cela seulement, pour moi, me reconnaitre pécheur: c'est comprendre un peu ce qu'est la beauté de l'amour du Seigneur, et reconnaître, comme un fait, que j'en suis loin.
Et me confier entre les mains du Seigneur.

Je vais donc vers le sacrement de pénitence (la "confession") comme on va vers une source d'eau vive, vers une fontaine, vers un soleil.

Aucune culpabilité en cela: seulement de l'amour.

 

Le péché quotidien ...

Ce qui suit diffère un peu de ce qui précède. Il ne s'agit plus d'une réflexion générale sur le péché, mais d'exemples tirés de ma vie quotidienne. Ils auraient pu trouver leur place aussi dans le jardin intime. Et j'aurais pu, hélas, en donner d'autres.

Deux constatations toutes simples, qui montrent combien je suis loin de Dieu: loin de vivre dans son amour.

Tout d'abord, que ce soit au cours de ma journée ou durant une messe, il vient parfois un moment où brusquement je me dis, et je dis au Seigneur: "Eh bien, jusqu'à cet instant, je ne m'étais pas tourné vers toi Seigneur!" Eh oui, je ne prie pas toujours en me levant le matin, et il m'arrive d'être présent "de corps" à la messe sans m'être vraiment tourné vers le Seigneur!
C'est un premier exemple de péché, vraiment quotidien; et j'ajouterais: inévitable.
Au moment où l'on se tourne vers le Seigneur, en prenant conscience qu'on ne l'avait pas fait avant, on reconnaît combien on était loin de lui; combien on avait vécu sans lui sa messe ou sa journée jusque là.
On me dira: on ne peut quand même pas penser sans arrêt à Dieu! Sans doute! Mais on peut le faire au moins de temps en temps!

Un deuxième exemple, encore plus net en ce qui me concerne, ce sont les pensées et les regards de chaque instant. J'entends par là tout ce qui me traverse la tête en voyant ceux qui m'entourent. Le "Je confesse à Dieu" ou le "Kyrie" prennent tout leur sens quand je me rends compte de ce que je suis en train de penser à propos de ceux que je vois autour de moi! Jésus l'a bien dit: le péché, c'est ce qui sort du coeur!

Le péché est donc là, dans mon comportement quotidien; il n'est pas loin et ailleurs, mais juste maintenant, dans ce que je pense et que je vis.

Ecrasant? Si on ne se centre pas sur Jésus, peut-être. Mais en lui nous avons la victoire (1 Corinthiens 15,57).

 

Le péché occasionnel

Parler, comme ci-dessus, du péché quotidien ne doit pas faire oublier les péchés plus particuliers, occasionnels ou réguliers: conduire très mal en voiture, battre un membre de sa famille, voler de façon délibérée, que sais-je. Lorsqu'un tel péché nous prend, il reste à se tourner vers le Seigneur et chercher, avec son aide et celle d'un confesseur ou directeur spirituel, et aussi d'un psychologue, comment modifier les attitudes ou les circonstances qui le provoquent.

Mais j'ai préféré insister sur le péché quotidien, car si on en reste à ces péchés occasionnels, beaucoup d'entre nous, si cela se trouve, ne les font que rarement.
Nous ne vivons pas dans l'amour de Dieu pour autant: nous manquons d'amour, et c'est cela, l'essence du péché.

 

L'humilité, mère des vertus

Pourquoi l'humilité est-elle la plus grande des vertus? Parce qu'elle laisse la place à Dieu, et aux autres, et est donc le contraire du péché.

Je me sens, je l'avoue, mal placé pour en parler. Mais essayons tout de même.

D'abord il ne s'agit pas de je ne sais quel complexe psychologique de refus de la réalité, de masochisme. L'humilité est d'abord simplicité, vérité.

Vertu magnifique, où ce qui arrive à l'autre, ce que l'autre fait, ne me préoccupe plus par rapport à moi-même, mais est seulement pour moi l'occasion de louer Dieu (voir le texte "Puissance de la louange") ou de me tourner vers lui pour le prier sous d'autres formes.

L'humilité est la mère des autres vertus: la patience, la générosité, la miséricorde, la force, etc.

C'est pourquoi celle qui a su laisser toute la place au Seigneur, Marie très humble, est la plus grande auprès de Dieu.

 

Avril 2002

 

Complément:
Une correspondante écrit: "Vous employez les mots "sale, moche, petit", et vous dites qu'il ne s'agit pas de culpabilité?"

Le point de départ pour lire le texte ci-dessus, c'est "l'amour selon Jésus". Ces réflexions ont un sens à partir du moment où on est convaincu qu'un amour toujours plus grand est possible, pour celui ou celle qui accepte de se remettre entre les mains de Dieu.

Prenons l'adjectif "petit":
Supposons qu'un jour, dans ma vie, je voie quelqu'un avoir un comportement vraiment grand moralement; ma réaction sera de reconnaître que je ne suis pas capable de ce comportement; que face à cette grandeur je suis "petit".

C'est la reconnaissance de cette différence dont il s'agit ci-dessus, rien d'autre. Reconnaissance ne veut pas dire culpabilité.

Pour prendre une comparaison peut-être plus lointaine, si je rentre de mon jardin avec les mains et les vêtements pleins de terre, et qu'il y a dans ma maison quelqu'un de très joliment habillé, que j'aime beaucoup, je n'aurai pas de culpabilité! Mais je constaterai que je suis sale!

Voir aussi une brève "note" sur le péché "originel"

Vos remarques sur ce texte!


http://plestang.free.fr/

Retour à la première page